L'histoire de Daniele Sepe se lit dans les lignes de ses compositions, atypiques,
joyeuses et tout simplement géniales. Pour cet artiste napolitain, la musique a porté sa vie, le
conduisant du noir au blanc, de la nuit à la lumière.
En sacrifiant tout pour son saxo, Daniele Sepe
a attendu près de vingt ans que les projecteurs s'allument et qu'enfin, son talent soit pleinement reconnu.
Paradoxalement encensés par la critique, ses albums ne franchissaient pas pour autant la barre de la survie.
Après avoir flirté avec toutes les musiques, souvent même avec beaucoup de talent,
Daniele obtient son diplômé du conservatoire de Naples) , il fut largement sollicité par
les artistes italiens, au point que pas un album ne sortait sans avoir dans son casting son nom.
Pourtant, malgré cela, sa musique restera dans l'ombre jusqu'à l'aube des années 95. Depuis cette
période, les compositions de ce personnage irrésistible, au lyrisme lunaire, on fait le tour du
monde. Avec son saxo ténor, Daniele SEPE entraîne le public dans une aventure aux confins
des musiques populaires, dans un univers sonore qui fusionne entre jazz et world music et qui s'exprime
dans une langue universelle. Aujourd'hui, Daniele connaît un succès grandissant en France.
Rien à voir avec les pizzas napolitaines à la
sauce mandoline, ni avec " O sole mio " d'ailleurs !!! la scène musicale
napolitaine est aujourd'hui bien trop hétéroclite pour pouvoir être
résumée en quelques lignes sur une carte postale. Elle englobe des genres
musicaux se développant tous azimuts : après le jazz-rock latin et
visionnaire de
Pino Daniele et
Napoli Centrale, après
la redécouverte de la musique folklorique par Nuova Compagnia di Canto Popolare,
voici à présent le Dub saisissant d'Almamegretta
(demandez-les chez On-U Sound), le rap combatif de Bisca & 99 Posse et les
rythmes gangster d 'E Zezi et Tammurriata di Scafati . Et, qui plus est,
voici D. SEPE et sa musique qui semble s'approprier la diversité
napolitaine toute entière.
A mi-chemin entre l'Europe et l'Afrique, Naples, intense et
dramatique, sait allier les traditions méditerranéennes florissantes, le
sens du Belcanto et la colorature arabe. Aimant la musique au-delà de tout, elle
offre sans aucun doute un terrain fertile à l'éclosion musicale, unissant
un tempérament artistique provocateur, fermement décidé à
lutter contre les clichés à la virtuosité et à la discipline
enseignées dans les conservatoires de musique classique.
D.SEPE sait au besoin descendre de son piédestal
de musicien classique : cet enfant terrible du jazz associe l'intellectuel et le profane
et est beaucoup plus proche de Gato Barbieri que de Peter Gabriel par exemple.
Il amalgame forma canzone, improvisation, musique d'orchestre, tarantella,
rap (Vite perdite) et free jazz de Chicago, intégrant hip hop et chansons
anonymes, médiévales ou de music-hall, faisant naître du saxo
de jan Garbarek des chants lugubres de Laponie et des récitatifs anciens du
Proche Orient, en ajoutant le très long vibrato de la tammorra et le paroxysme
d'un ensemble de cuivres. Il affiche à la fois l'expression contorsionnée
du comédien italien
Totò et la grimace
prononcée de Frank Zappa, citant
le poète Tacite et le rapper Zulù,
Maïakowsky et le
maître mythique Anepeta , N.a.t.o. et Magna Grecia, les
rebelles latino-américains, les marionnettes du théâtre politique
italien et d'innombrables chanteurs populaires. Avec tout ceci, il utilise le son du
Tempio di Mercurio, rappelant celui de bâtiments d'usine occupés par
des ouvriers en grève.
Dans cette Babel de signes et de styles, Sepe arrive à
rendre de façon très claire la voix d'
Auli Kokko, cette chanteuse
suedoise qui balbutie tour à tour en napolitain et dans d'autres dialectes du
Meridiens italien "Auli Kokko" dit Sepe chantait
dans un groupe de heavy metal féminin en Scandinavie. Elle a un beau jour
débarqué à Naples, son sac de couchage sous le bras, et est
tombée amoureuse. Maintenant nous faisons également " Chebba " de Khaled
avec elle.
Pas étonnant donc, que "Vite perdite " soit le disque le
plus dense et le plus élaboré de Sepe, celui dans lequel il utilise au
mieux le matériel sonore et les voix humaines. Certains diront peut-être
qu'il en fait trop, mais il est bien difficile de trouver chez Sepe une seule note qui
soit superflue. Peut-être que parce qu'à Naples, où la musique a
toujours été faite pour être belle, on se rend compte qu'elle
sait également être utile.